Août 102018
 

Pourquoi la signature de Jean Chastel n’apparaît pas sur le rapport rédigé le lendemain de la mort de la Bête du Gévaudan ? L’un des spécialistes, Guy Crouzet, s’est penché sur cette absence.

Grand spécialiste de la Bête du Gévaudan qui le passionne depuis 1981, et auteur de cinq ouvrages sur le sujet, Guy Crouzet consulte avec la même curiosité qu’au premier jour les archives, les documents d’époque…

Sa connaissance du « dossier » dans ses moindres détails l’amène à remarquer que « peu d’auteurs semblent s’être souciés du fait que le fameux rapport Marin, rédigé le lendemain de la mort de la Bête, c’est-à-dire le 20 juin 1767, ne comporte pas la signature de Jean Chastel », dont le coup de fusil magistral, la veille, cloua définitivement au sol l’animal, mettant un terme à plusieurs années de terreur.

L’homme sait écrire

« Il n’est visiblement pas là, le héros du Gévaudan, à Besques, où officie le notaire Marin, invité par le conte d’Apcher et son fils, en présence de 28 témoins venus des envions et ayant eu affaire avec l’animal », relève Guy Crouzet. Pourtant, « l’homme sait écrire, poursuit-il. Sa signature aurait authentifié et valorisé, autant que celle du notaire, et pour les siècles à venir, son exploit et justifié sa gloire ».

Pourquoi cette absence ? Guy Crouzet s’interroge, émet plusieurs hypothèses. Pour lui, deux paraissent plausibles, l’interpellent : Jean Chastel n’était pas invité ou alors il l’était mais « il a décliné l’offre ».

En puisant dans les écrits de l’époque, Guy Crouzet trouve des éléments de réponse dans « le certificat établi par le maire de Saint-Julien-des-Chazes, Plantin, le 4 décembre 1888, lors de l’acquisition du fusil pour le compte de l’abbé Pourcher, qui en fait état dans son célèbre livre de 1889 ». Extrait : «… Lorsque le seigneur d’Apcher… apprit que l’artisan Jean-Chastel avait tué la bête (sans l’ombre d’un doute le jour même de la chasse, le 19 juin 1767), il le fit appeler et il glissa la pièce afin qu’il le laissa se glorifier de l’honneur de l’avoir tuée ; mais l’affaire ne put se passer en secret et, dévoilée, elle échoua car il était trop notoire que Jean Chastel l’avait tué lui-même. D’après la tradition la plus avérée, c’est alors que Monsieur le marquis lui acheta son fusil, que le défunt père Duffaud (le vendeur local) acquit directement à la déchéance de ce seigneur (le fusil avait dû être confisqué comme le reste au début de la Révolution, puis revendu aux enchères par un commissaire du peuple) ».

Sur cette première hypothèse, Guy Crouzet conclut : « soit que le marquis d’Apcher ayant tenté de soudoyer Chastel, celui-ci a pu en être vexé et refuser d’assister à l’autopsie de la bête ; soit que vexé lui-même du refus de Chastel de se laisser glisser la pièce, le marquis ne l’ait pas invité. Difficile d’arbitrer ». Et d’ajouter : « d’autant plus que Chastel pourra récupérer la carcasse (plutôt mal embaumée) pour la promener de village en village et faire la quête. Elle sera ensuite conduite à Versailles par un domestique du marquis, accompagné selon Pourcher par Chastel, afin d’être montrée au Roi, qui aurait été offusqué par la puanteur et la présentation bien tardive… »

« Dans cette histoire assez embrouillée quelques indices à ne pas négliger »

Une idée taraude malgré tout l’esprit de Guy Crouzet. « Et si l’absence de Chastel à l’autopsie de la bête avait une tout autre explication ? Si ce cher Marin, notaire de son état à Langeac, mais aussi, à l’époque, subdélégué temporaire de l’Intendant d’Auvergne, avait reçu l’ordre d’ignorer tout fait d’arme cynégétique d’un nommé Chastel ? D’ordre du Roi ou de la Cour. L’un comme l’autre se souvenant sans doute de l’incident du bourbier près du mont Chauvet le 16 août 1765 au cours duquel Chastel avait mis en joue deux gardes d’Antoine le porte-arquebuse de Louis XV : véritable affront fait à sa majesté ! Un Antoine devenu d’ailleurs, après sa destruction du fameux loup des Chazes le 21 septembre 1765, le vainqueur officiel de la bête du Gévaudan ! Chastel n’était plus qu’un importun, un imposteur même, un mal appris, à mettre au placard ! Il aurait d’ailleurs pu le payer bien plus cher ».

Guy Crouzet note que dans cette « histoire assez embrouillée surnagent tout de même quelques indices à ne pas négliger ».

Jean-Luc Chabaud

Source : leveil.fr

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