La Bête du Gévaudan, l'animal pluriel
Mémoire de Master - 2016
Laurent Mourlat
FRA 4550. Mémoire de Master.
Études européennes et américaines, filière France.
Institut de littérature, civilisation et langues européennes.
Université d’Oslo. Printemps 2016.
Directeur du mémoire : Olivier Darrieulat, maître de conférences en civilisation française.
01.05.2016
Pour citer ce travail : MOURLAT Laurent, La Bête du Gévaudan, l’animal pluriel, 1764-1767,
sous la direction d’Olivier Darrieulat, Université d’Oslo, Blindern, 2016, 185 p.
Extraits
INTRODUCTION
On ne connaît alors pas encore l’identité de l’agresseur mais on soupçonne fortement Canis lupus . En effet, le Gévaudan est à l’époque une région tout à fait propice à la colonisation par le loup. Alliant la moyenne montagne, les forêts isolées et les pâturages dispersés, ce territoire présente des caractéristiques géographiques et topographiques de choix pour notre prédateur. La population y vit principalement de l’élevage et ne se concentre pas dans les villages. L‘éparpillement des habitants ainsi que le type d'activité agricole pratiquée dans la région donnent aux loups la possibilité de s’attaquer aux hommes et à des cheptels isolés. Les problèmes liés à la présence de cet animal opportuniste sont d’ailleurs récurrents car celui-ci sévit, et ceci depuis des siècles, dans tout le royaume. En 1641, Henri de Laurens note la disparition d’une brebis ou d’une chèvre “que le loup a mangée”. En août 1844 à Bazaigues, Baraise et Éguzon, communes de l’Indre “on n’a trouvé que la partie des os de la jument et aucun vestige de la pouliche , un “boeuf et une vèle” sont dévorés, trente chiens disparaissent”. Située au centre du royaume de France, au sein d’un territoire pauvre et rude déjà durement éprouvé par la peste, la population du Gévaudan va, en cette deuxième partie du XVIIIè siècle, être le témoin d’une hécatombe. De 1764 à 1767, la "Bête du Gévaudan" attaque environ 289 personnes. 108 sont tuées, plus de 49 sont blessées et environ 132 sont indemnes. L’étude des archives consacrées à ces incidents montre que l’animal a fait plus de ravages en Auvergne qu’en Languedoc. En Lozére, qui est alors la région la plus touchée par les attaques, ce sont les cantons de Saugues, Pinols, Le Malzieu, Ruynes et "Aumont et Fournels" qui payent le plus lourd tribut à la voracité de la Bête, ceci avec respectivement 34, 23, 22, 14 et 10 agressions. Aux funestes événements qui prennent place en Gévaudan les autorités répondent tout d’abord par les mesures habituelles. On organise alors des chasses dans les régions du Gévaudan et du Vivarais. La bête du Gévaudan, un animal original au Siècle des Lumières Au début du mois de novembre 1764, bien loin des querelles parisiennes, on chasse en Gévaudan une étrange bête. Décrite à l’époque par Du Hamel, capitaine des chasseurs à cheval des volontaires de Clermont-Prince, comme un animal “original”, la bête en question va très vite se révéler être un catalysateur des croyances. Cette constatation est signifiante car la période à laquelle se déroulent les faits n’est pas neutre. L’exécution de cette étude doit donc être faite dans le souci d’intégrer l’évolution des paradigmes attachés au Siècle des Lumières, une période sur laquelle des spécialistes comme Pierre-Yves Beaurepaire ou Daniel Roche ont publié divers écrits. L'abondante bibliographie consacrée à cette histoire, renferme une quantité importante d’indices qui montrent que les thèses les plus extravagantes ont circulé dans tout le royaume.
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II. Une enquête de terrain
Ces derniers ont quelquefois refusé de donner suite à ma demande. Pour remédier à ce problème j’ai écrit aux associations dont certains auteurs étaient membres. Après quelques explications, ces dernières ont bien voulu me renseigner. L’identification des personnes recherchées étant terminée, j’ai pris contact avec elles, cela par le biais d’une conversation téléphonique. A partir de ce moment, et c’est bien ceci qui était recherché au départ, j’ai été en mesure de me constituer un véritable réseau fait d’associations, d’éditeurs et d’auteurs. Le réseau établi, mon but a été de me rendre en Gévaudan en voiture. La raison en est que les différentes personnes avec lesquelles je voulais m’entretenir se trouvent dans des lieux isolés en Margeride.
J’ai aussi remarqué qu’un des clients avait garé un véhicule sur un parc de stationnement des alentours. Le véhicule était équipé d’une remorque où figuraient des objets qui semblaient être apparentés à ceux que l’on utilise pour ériger des clôtures. J’ai alors pensé qu’il était possible que cette personne soit un agriculteur. Ayant jeté mon dévolu sur un établissement qui se trouvait un peu à l’écart, je m’y suis rendu car j’avais l’impression que c’était à cet endroit - et pas ailleurs - que je pourrais converser avec des cultivateurs ou encore mieux… des chasseurs. J’ai donc poussé la porte et ai directement engagé la conversation en présentant mes recherches et mes motivations à la propriétaire des lieux.
Très directe et très instructive, la prise de contact avec les habitants m’a fait réaliser qu’il fallait aussi que je me documente sur le relief et la nature des montagnes environnantes. Le jour suivant que je suis donc retourné à Mende pour me procurer une carte de l’IGN et c’est en pratiquant les forêts du Gévaudan que je me suis rendu compte de l’étendue, de la nature et des dispositions du territoire de prédation de la Bête. De plus, même s’il est établi qu’il y avait moins de forêts à l’époque des attaques, des incursions successives dans les bois m’ont fait réaliser que les chasses avaient du être extrêmement difficiles. Cette réflexion m’est venue car j’ai pu constater que les forêts de sapins (dont certaines étaient à quelques kilomètres des lieux mêmes où la bête fut tuée) étaient très denses. Le rapprochement des arbres contribuant grandement au manque de lumière, comment tirer un animal dans une forêt de troncs très rapprochés où la luminosité est faible ? Cette question pratique est peut-être une de celles que Du Hamel s’est posé au moment d’organiser les chasses. Comme on peut le voir, s’attacher à comprendre une région et ses habitants se révèle être utile à la réalisation de la recherche que j’ai décidé d’entreprendre. Aurais-je été en mesure de me rendre compte de la particularité des forêts du Gévaudan sans converser avec les habitants ? Je ne le pense pas. C’est bien au cours d’une conversation informelle avec des autochtones que j’ai réalisé à quel point les dispositions du territoire avaient pu influer sur le déroulement des événements qui prirent place en Gévaudan au XVIIIè siècle. Là encore, il est démontré que le travail de terrain est une composante indispensable au travail du chercheur. ... Ce n'est là qu'une infime partie de cette étude que je vous conseille de lire dans son intégralité. |
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Pour citer ce travail : MOURLAT Laurent, La Bête du Gévaudan, l’animal pluriel, 1764-1767,
sous la direction d’Olivier Darrieulat, Université d’Oslo, Blindern, 2016, 185 p.